LA CLASSE MATERNELLE • N° 287 • 03/2020 •
121
CHRONIQUE D’ ÉCOLE
P A R
C H R I S T O P H E B A U D O T ,
I S F E C L ’ O R A T O I R E
Humeurs…
On m’avait dit que les enfants de
maternelle étaient avant tout de
nature égocentrique, que seule
comptait leur propre personne.
C’est ce que j’ai d’abord cru.
Lorsque j’ai débuté ma seconde
carrière en Petite Section (après
15 ans de classes élémentaires),
j’ai cru voir, au départ, des
enfants incapables d’écouter les
autres et ne penser qu’à dire leur
propre vécu, sans s’intéresser à
celui de leurs copains.
Petit à petit, j’ai appris à me
poser, au sens propre comme
au sens figuré, en m’asseyant et
observant mes élèves, en leur
laissant de la liberté après avoir
fixé un cadre. Ce faisant, j’ai
découvert au bout de plusieurs
années un fait qui m’est apparu
remarquable et qui m’avait
échappé : les enfants recherchent
presque toujours une compagnie.
Cette constatation, qui peut
paraître banale, m’a semblé
extraordinaire car elle a
bouleversé ma conception de
l’enfant solitaire et égocentrique.
Pis : je me suis aperçu que
lorsque mes élèves sont libres
de choisir une activité, ils ne
se tournent pas vers ce qu’ils
préfèrent mais vont vers leurs
meilleurs camarades, quelle que
soit l’activité que ceux-ci sont
en train de faire. Cette conduite
pourrait paraître étrange et
contradictoire si l’on considère
l’enfant uniquement comme un
être individuel. Pourtant, rares
sont ceux qui restent totalement
solitaires pendant les temps
d’activités libres ou de récréation.
L’enfant, même très jeune, serait
donc un être profondément
social. Nos élèves de maternelle
sont en construction : ils
commencent à bâtir leurs
repères, leur univers affectif,
cognitif, relationnel, culturel.
Le rôle de l’enseignant et de
l’Atsem peut être fondamental.
Comme l’a montré Piaget, ce
développement de l’enfant
passe nécessairement par une
phase égocentrique qui n’a rien
d’anormale ni de péjorative, et
qui ressemble davantage à un
point de vue en construction
qu’à un état d’âme.
Les adultes en société ne sont-ils
pas eux aussi tournés vers
eux-mêmes, vers l’affirmation
de leur point de vue, même s’ils
savent prendre en compte ceux
de leurs semblables ?
Savoir que l’ego de mes élèves
n’est qu’un moyen de leur
développement, et qu’ils ont
besoin des autres, m’incite à
repenser mes pratiques de classe.
Pas vous ?
Les copains d’abord
© C. Baudot