EDITO de La Classe de mai. Avec La disparition, l’écrivain Georges Perec avait réussi le prodige d’écrire un roman entier sans jamais utiliser la lettre e. Un exercice de style de haut vol auquel, semble-t-il, les rédacteurs du nouveau programme de maternelle ont voulu faire écho en s’imposant une autre contrainte : il s’agissait pour eux de développer, sous tous ses aspects, l’apprentissage des nombres, des formes et des grandeurs au Cycle 1 sans jamais utiliser le mot maths !
On ne peut que s’incliner devant le sans-faute réalisé, et les trésors d’imagination qu’il leur a fallus pour accoucher de l’admirable « Construire les premiers outils pour structurer sa pensée » qui chapeaute les nombreux paragraphes consacrés à ce domaine. Le défi était d’autant plus délicat qu’ils n’avaient plus droit à « Découvrir le monde », déjà utilisé par leurs prédécesseurs en 2008 !
Cela étant dit, et une fois la prouesse saluée, on se permettra de faire remarquer qu’il est heureusement d’autres domaines et circonstances où le jeune enfant est amené à « structurer sa pensée », et que relier cet objectif aux seules mathématiques est pour le moins contestable.
Deuxième remarque : utiliser ce type de jargon est-il bien pertinent lorsque par ailleurs on proclame vouloir « redynamiser » le dialogue avec les parents, « notamment les plus éloignés de l’institution scolaire » ?
Enfin, les rédacteurs du programme se sont-ils avisés que les professeurs des écoles, même s’ils respectent les intitulés officiels dans leurs documents scolaires, utilisent toujours très largement le terme mathématiques pour désigner les activités qui se rapportent à ce domaine ? Il leur suffirait, pour s’en convaincre, de surfer sur quelques sites de la blogosphère enseignante, une expérience qui leur montrerait aussi combien, sur le terrain, on s’affranchit allègrement d’objectifs aussi minimalistes que « Lire les nombres écrits en chiffres jusqu’à dix » en fin de GS !