Constatant qu’un certain nombre d’élèves restent sur le bord de la route lors de l’entrée en lecture, Renée Louis a pris le taureau par les cornes et profité de sa récente retraite pour développer un outil original : « Tremplin vers la lecture ». Après une observation fine des difficultés rencontrées par les enfants face à différentes méthodes de lecture, elle a cherché à lever des obstacles « invisibles » mais récurrents qui font trébucher tant d’élèves en début de CP…
L’entrée en CP est une étape pleine d’enjeux…
Quand un enfant apprend à lire, il doit intégrer la combinatoire l’année de ses 6 ans, entre octobre et novembre ! Tout enseignant de CP peut jauger, dès les 1ères semaines, le niveau de lecture de ses élèves : certains en ont compris le principe dès la rentrée, d’autres auront le déclic dans le courant du 1er trimestre. D’autres auront plus de mal et passeront peut-être à côté malgré des efforts de différenciation qui leur seront proposés…
Une de mes convictions est que la combinatoire peut se travailler autrement qu’en associant consonnes et voyelles en dépit de tout sens.
Comment est né ce projet original ?
Quelles qu’aient été mes fonctions (enseignante, directrice d’école ou formatrice d’enseignants), j’ai constaté la souffrance d’une partie des élèves de CP face à la lecture. La faute à des méthodes souvent trop riches, qui, par certains détails, mettent ces élèves en difficulté. Citons les mots ambigus utilisés pour les mots clés (comment un élève peut-il assurément distinguer le dessin d’un rat de celui d’une souris par exemple ? ou celui d’une tasse et d’un café ? ), l’emploi de majuscules cursives, la présentation de plusieurs graphies d’un son en une seule séance, le recours à des mots peu accessibles à des enfants de 6 ans… Mes échanges avec des parents d’élèves de tous milieux sociaux et les questions des enseignants débutants m’ont conforté dans cette analyse.
Les outils du FLE ont été une source d’inspiration ?
Oui. Il faut dire que mes six dernières années d’enseignement auprès d’enfants allophones ont agi comme un miroir grossissant des difficultés des enfants français. J’ai donc effectivement imaginé appliquer les principes du FLS, notamment en accordant une importance fondamentale à la compréhension des mots donnés à lire au début de l’ apprentissage de la lecture. C’est pourquoi j’ai conçu un jeu de loto qui permet d’appréhender des mots que l’on retrouve dans la plupart des méthodes de lecture.
Comment avez-vous sélectionné les mots du loto et du livret ?
La difficulté a été de trouver un corpus de mots adaptés. Cela a été un gros travail. J’ai d’abord repéré les mots-clés utilisés par différentes classes de CP et CE1. Je les ai comparés à ceux proposés par une dizaine de méthodes différentes. J’ai croisé ces listes avec celles de Philippe Boisseau. Et puis, il a fallu supprimer tous ces fameux mots ambigus… ou difficilement illustrables.
Pour le loto, j’ai gardé des séries de 3 ou 6 noms commençant par une même syllabe, en intégrant des verbes et des adjectifs. Pour l’imagier, j’ai gardé 5 mots par valeur de lettre (noms, adjectifs numéraux ou de couleur).
Votre coffret remplace-t-il les méthodes de lecture utilisées en classe ?
Non, au contraire ! C’est un outil complémentaire, quelle que soit la méthode utilisée, de la syllabique ultra à la globale ultra ! Le tableau de synthèse de Roland Goigoux[1] est très explicite. En effet, leur point commun est de passer par le mot, qui est l’unité de sens la plus petite…
Le coffret comprend un livret de lecture, des planches et des cartes illustrées. Comment joue-t-on avec ce matériel ?
Chacune des planches du jeu de loto contient 3 mots illustrés qui commencent par une même syllabe. Le meneur est au départ un adulte – mais des élèves peuvent aussi prendre ce rôle – il incite chaque joueur à insérer les mots dans une phrase complète, correctement formulée. Les mots du loto seront plus tard des mots référents, ils doivent être parfaitement prononcés. Les exigences augmentent progressivement : il faut à la fois ne pas décourager, mais être ferme !
Les activités présentées dans les 2 guides sont utilisées ultérieurement ?
J’ai créé une fiche de 5 mots clés illustrés par valeur de lettre (et non par phonème, je tiens à le préciser). Les 18 premières fiches de lecture sont à utiliser après le jeu de loto, quand tous les mots ont été découverts. Les fiches d’activités ont pour objectif de structurer ces apprentissages. Il y a eu gros effort fourni sur la variété des exercices, avec de la lecture, du dessin, des jeux d’association, des mots à trou… Grâce à toutes ces propositions de jeu, l’enseignant peut très facilement créer les siens. C’est d’ailleurs l’objectif de ces fiches : en faire un outil modulable.
Quelle est la force particulière de cet outil ?
Les enfants aiment le jeu de loto, mais apprécient aussi les fiches ! Elles les mettent en général en situation de réussite. Un professeur remplaçant ou en complément de service peut utiliser les fiches sans nuire à ce que le titulaire pratique.
En classe multiniveau, c’est un outil précieux car l’apprenti lecteur peut dicter sa page de lecture aux plus avancés !
Un enseignant débutant peut se fier à la progression proposée, il trouvera à la fois des pistes de jeux à construire en grand format mais disposera aussi d’une banque d’exercices de soutien ou de révision directement photocopiables. Il pourra ainsi consacrer tout son temps à la compréhension du cheminement de ses élèves !
Les fiches peuvent être des pages de référence que l’on donne à lire le soir à la maison sans risquer de mettre l’enfant en difficulté. On minimise ainsi les risques de conflits -école/parents/enfants…
[1] http://www.ac-grenoble.fr/ien.g4/IMG/pdf/presentation_des_methodes_de_lecture_2004-1-goigoux.pdf