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LA CLASSE • N° 289 • 05/2018 •
21
Une méthode qui ne fait
pas l’unanimité
•
La majorité des didacticiens français reste
hostile au principe d’un travail trop précoce
sur
les techniques opératoires écrites. Selon eux,
deux grands risques :
- une erreur colossale si ce travail est amorcé
avant d’être certain que les élèves ont solidement
construit les deux systèmes de numération (oral
et écrit en chiffres) et leur lien ;
- catastrophe encore au plan didactique si s’ins-
talle l’idée que le calcul mental ne consiste qu’en
un calcul « de tête » des techniques par écrit.
Les critiques de Rémi Brissiaud
Pour le chercheur français Rémi Brissiaud, le
problème est d’abord et avant tout d’ordre
culturel et linguistique.
• D’abord, il y a le fait qu’à Singapour, la
rentrée des classes s’effectuant officiellement en
janvier, tous les élèves qui entrent au CP ont leurs
6 ans révolus, ce qui n’est pas le cas d’un grand
nombre d’élèves français, d’où un réel écart de
maturité au profit des enfants singapouriens.
• Puis il y a surtout ce véritable obstacle que
constitue la longue suite d’irrégularités relatives
au nom des nombres dans notre langue. Nul
n’ignore que le remplacement de « soixante-
dix, quatre-vingts et quatre-vingt-dix » par
« septante, huitante et nonante » serait facili-
tateur pour les jeunes apprenants.
De même conviendrait-il de prendre en considé-
ration que les noms des nombres des tranches
11-16, 71-76 et 91-96 ne respectent pas la
règle de décomposition en base 10… piège
dans lequel ne tombe pas la méthode de Singa-
pour qui s’exporte majoritairement via la langue
anglaise à partir de laquelle s’effectuent les
traductions !
Les dangers d’une méthode mal employée
Pour nous, le véritable enjeu tient surtout dans
les risques d’une méthode mal employée, c’est-
à-dire partiellement (usage isolé d’un manuel ou
d’un fichier sans l’indispensable recours à son
guide pédagogique et aux fondements didac-
tiques et théoriques). N’oublions pas qu’à Singa-
pour, la formation des maîtres est massivement
assurée ! Ce qui n’est pas le cas en France…
L’activité intellectuelle de l’élève est-elle assurée ?
La mise à disposition d’un matériel, fût-il de
grande qualité, ne garantit pas l’absence de
maladresses, de contre-sens ou d’effets pervers
dans l’acte d’apprentissage. L’aboutissement
au formalisme, à l’abstraction ne résulte pas
de façon automatique de la succession propo-
sée aux élèves de situations concrètes puis de
leur représentation. C’est le cas pour toutes
méthodes ! Encore convient-il d’assurer un
travail efficace visant à
construire le lien
entre
l’action sur les objets et la mise en place d’une
juste représentation. En fait, ce qui importe, c’est
le contenu de l’activité intellectuelle réalisée par
les élèves : cette activité est-elle réelle, pertinente,
exempte de tous malentendus cognitifs ? Bref,
les élèves sont-ils objectivement mis en situation
de réfléchir, raisonner, émettre des hypothèses,
anticiper… ou bien se contentent-ils de répéter,
reproduire un geste, voire détourner les difficul-
tés ? Sont-ils « chercheurs en herbe », capables
de faire des liens entre les différents savoirs en
jeu, ou purement scolaires, attachés à réussir
une tâche parce qu’il faut « répondre juste » ?
© dobok-iStockphoto