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LA CLASSE • N° 289 • 05/2018 •

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Une méthode qui ne fait

pas l’unanimité

La majorité des didacticiens français reste

hostile au principe d’un travail trop précoce

sur

les techniques opératoires écrites. Selon eux,

deux grands risques :

- une erreur colossale si ce travail est amorcé

avant d’être certain que les élèves ont solidement

construit les deux systèmes de numération (oral

et écrit en chiffres) et leur lien ;

- catastrophe encore au plan didactique si s’ins-

talle l’idée que le calcul mental ne consiste qu’en

un calcul « de tête » des techniques par écrit.

Les critiques de Rémi Brissiaud

Pour le chercheur français Rémi Brissiaud, le

problème est d’abord et avant tout d’ordre

culturel et linguistique.

• D’abord, il y a le fait qu’à Singapour, la

rentrée des classes s’effectuant officiellement en

janvier, tous les élèves qui entrent au CP ont leurs

6 ans révolus, ce qui n’est pas le cas d’un grand

nombre d’élèves français, d’où un réel écart de

maturité au profit des enfants singapouriens.

• Puis il y a surtout ce véritable obstacle que

constitue la longue suite d’irrégularités relatives

au nom des nombres dans notre langue. Nul

n’ignore que le remplacement de « soixante-

dix, quatre-vingts et quatre-vingt-dix » par

« septante, huitante et nonante » serait facili-

tateur pour les jeunes apprenants.

De même conviendrait-il de prendre en considé-

ration que les noms des nombres des tranches

11-16, 71-76 et 91-96 ne respectent pas la

règle de décomposition en base 10… piège

dans lequel ne tombe pas la méthode de Singa-

pour qui s’exporte majoritairement via la langue

anglaise à partir de laquelle s’effectuent les

traductions !

Les dangers d’une méthode mal employée

Pour nous, le véritable enjeu tient surtout dans

les risques d’une méthode mal employée, c’est-

à-dire partiellement (usage isolé d’un manuel ou

d’un fichier sans l’indispensable recours à son

guide pédagogique et aux fondements didac-

tiques et théoriques). N’oublions pas qu’à Singa-

pour, la formation des maîtres est massivement

assurée ! Ce qui n’est pas le cas en France…

L’activité intellectuelle de l’élève est-elle assurée ?

La mise à disposition d’un matériel, fût-il de

grande qualité, ne garantit pas l’absence de

maladresses, de contre-sens ou d’effets pervers

dans l’acte d’apprentissage. L’aboutissement

au formalisme, à l’abstraction ne résulte pas

de façon automatique de la succession propo-

sée aux élèves de situations concrètes puis de

leur représentation. C’est le cas pour toutes

méthodes ! Encore convient-il d’assurer un

travail efficace visant à

construire le lien

entre

l’action sur les objets et la mise en place d’une

juste représentation. En fait, ce qui importe, c’est

le contenu de l’activité intellectuelle réalisée par

les élèves : cette activité est-elle réelle, pertinente,

exempte de tous malentendus cognitifs ? Bref,

les élèves sont-ils objectivement mis en situation

de réfléchir, raisonner, émettre des hypothèses,

anticiper… ou bien se contentent-ils de répéter,

reproduire un geste, voire détourner les difficul-

tés ? Sont-ils « chercheurs en herbe », capables

de faire des liens entre les différents savoirs en

jeu, ou purement scolaires, attachés à réussir

une tâche parce qu’il faut « répondre juste » ?

© dobok-iStockphoto