LA CLASSE MATERNELLE • N° 277 • 03/2019 •
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CHRONIQUE D’ ÉCOLE
P A R
C H R I S T O P H E B A U D O T ,
P R O F E S S E U R D E S É C O L E S
Humeurs…
Je n’en peux plus des
distractions tous azimuts de
mes élèves ! Entre les chaussures
lumineuses, les sequins de
tee-shirts ou de pulls que l’on
peut retourner avec la main pour
faire apparaître une décoration
différente, ou encore les nœuds
à défaire, broderies à manipuler,
et autres éléments en relief pour
épater la galerie, je m’agace
parfois en me demandant si je ne
devrais pas alerter les familles.
Une fois de plus, la concurrence
entre les marques amène une
inventivité dont on ne peut que
se réjouir. Mais une fois de plus,
le seul objectif de cette course à
l’innovation est la distraction des
enfants. Plaire, distraire, amuser,
attirer pour mieux vendre : voilà
le mot d’ordre.
Constatant cela, je pense au
contraire à la pédagogie que
nous mettons en place dans nos
classes et qui va à l’encontre de
cette mode. Nous faisons tout
pour éduquer l’attention de
nos élèves, car nous pensons
que c’est ainsi qu’ils peuvent
le mieux apprendre.
Doit-on nous inspirer de cette
tendance en nous mettant
à essayer de capter à tout
prix l’attention des
enfants ?
Oui, bien sûr !
C’est d’ailleurs
ce que nous faisons.
Mais ce sont les
chemins qui diffèrent.
Le commerçant
n’a d’autre intérêt
que de vendre son
produit, tandis que
notre démarche
est tout autre.
Nous cherchons :
- à éduquer l’attention.
Être attentif, c’est
apprendre à réfléchir,
à prendre du recul,
à se poser des
questions : tout le
contraire du petit
consommateur ;
- à aider nos élèves à mieux
apprendre, ce qu’on appelle un
peu pompeusement « apprendre
à apprendre », expression qui,
au regard de cette question,
prend tout son sens.
L’école, en commençant par
la maternelle, reste un lieu
d’éducation au sens noble
du terme. On y découvre
sereinement la vie, pas celle,
superficielle, vantée par la
société de consommation, mais
bien celle de la connaissance,
celle où tout le monde peut
avoir accès, à son niveau, à la
découverte du monde, des
savoirs et de leur construction.
Nos élèves les plus défavorisés
ont particulièrement besoin
de ce recul. Apprendre, c’est
avancer à petits pas, de façon
méthodique, sans artifice et avec
profondeur. Apprendre, c’est
accéder à une finesse que seul
le temps permet de percevoir.
Éduquer l’attention
© C. Baudot