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• LA CLASSE MATERNELLE • N°258 • 04/2017

CHRONIQUE D’ ÉCOLE

P A R

C H R I S T O P H E B A U D O T ,

P R O F E S S E U R D E S É C O L E S

Humeurs…

Humeurs…

Humeurs…

La classe maternelle est le lieu idéal

pour pouvoir vivre intensément

des relations humaines ainsi

qu’une vie professionnelle sans

temps mort.

Les relations y sont fortes,

affectives, valorisantes pour les

adultes qui

« mettent au monde »

leurs élèves, selon l’expression

de Boris Cyrulnik.

La vie professionnelle y est

riche et intense. Pas le temps de

s’ennuyer, pas le temps de souffler,

pas le temps d’observer.

Et pourtant, l’expérience m’a

appris à stopper cette course

effrénée; à arrêter de me

lancer à corps perdu dans un

activisme souvent dénué de sens;

à m’asseoir, tout simplement,

pour regarder mes élèves.

Depuis que j’ai fait ma révolution

personnelle, je m’assois dès

l’accueil à une place stratégique me

permettant d’embrasser l’espace-

classe d’un seul regard.

Je suis ainsi disponible :

- disponible à ces regards perdus

qui cherchent un bras et ne le

trouvent pas face à des adultes

éparpillés et sans cesse mobiles

qui ne sont donc plus les adultes

référents que recherchent nos

petits bouts;

- disponible pour réguler les

relations dans la classe et stopper

les agissements inappropriés;

- et surtout disponible pour

observer mes élèves, chacun

d’eux, leurs attitudes, les liens

qu’ils nouent avec les autres

individualités du groupe. Je repère

ainsi qu’Héloïse cherche à capter

l’attention de Sébastien, que Cellia

tente en vain de faire fuir Morgane

qui en est tout attristée, pendant

que Nathan s’intéresse aux puzzles

en solitaire.

Quand et comment ai-je un jour

décidé de m’asseoir et regarder ?

Cela n’est pas si lointain, il m’a

fallu du temps, beaucoup de temps

pour en saisir la nécessité.

Cerise sur le gâteau pédagogique :

cette posture physique a

transformé ma posture

professionnelle en me permettant

de mieux prendre en compte les

individualités. J’ai compris ce que

comprennent les enfants, ce qu’ils

ressentent dans une classe, leurs

représentations. J’ai compris

ce que j’avais lu des chercheurs

qui observent les classes.

Une compréhension plus fine

m’est ainsi venue. Comme si,

en me posant, en acceptant de

m’asseoir, quelqu’un avait appuyé

sur l’interrupteur qui m’ouvrirait

les yeux.

Mes élèves sont redevenus les

enfants que je n’aurais jamais dû

perdre de vue. 

Regarder nos élèves

© C. Baudot