
Balancepourlabalance ou M.Professeur des écoles sur Instagram, Mouhamadou raconte sur les réseaux son quotidien et la « réalité derrière le manque d'enseignants ». Les difficultés qu'il rencontre, ses astuces, et les dessous d'un métier qui va mal.
Il fait le tour des plateaux télé depuis la sortie de son livre, le prof remplaçant de la PS au CM2 n'a pas sa langue dans sa poche. Sur les réseaux, il raconte ses propres expériences, mais il met aussi en avant les récits de ses collègues. Son objectif : rendre la vie à l'école plus visible pour le grand public et rassurer les parents d'élèves. Il a accepté de répondre à nos questions.
« L'école est un lieu paradoxal »
Tout le monde est allé à l'école, tout le monde sait comment ça fonctionne, et pourtant, quand on y dépose ses enfants, on ne sait plus ce qui se passe derrière les portes de l'établissement. Professeur depuis 8 ans dans le Val-De-Marne, Mouhamadou s'est rendu compte de ce paradoxe de l'école. « On accueille des enfants qui ne sont pas les nôtres et pourtant, les portes se ferment, quand on est dedans on voit, on sait des choses, et en dehors on ne les sait plus, il n'y a pas d'espace d'échange sincère sans langue de bois sur ce qu'on voit à l'école en tant qu'enseignant », explique-t-il.
« Je voulais créer un espace d'échange avec tous les curieux de l'école »
Ce qui l'a motivé à créer cet espace, c'est son expérience du confinement. « On était dans la continuité pédagogique, chez nous, les élèves chez eux, et on devait communiquer avec les familles, continuer l'école. Dans ce cadre, je me suis rendu compte que les parents n'avaient pas les informations dont les enseignants disposaient, le but de mes réseaux sociaux, c'est d'ouvrir cet espace d'échange à partir des situations et des problématiques que je retrouve dans ma pratique d'enseignant ».
Grâce à son compte Instagram, qui compte 179K followers, Mouhamadou partage son quotidien et répond aux questions des parents inquiets, en message privés ou en commentaire. « Les réseaux c'est un espace temps différent, je ne suis pas psychologue, je ne suis qu'un prof, un seul parmi la masse d'enseignants dans l'éducation nationale, mais les retours que j'en ai c'est que les parents apprécient la démarche, j'essaie de les orienter et de les aider », précise-t-il.
S'il prend le temps d'accompagner les parents, Mouhamadou ne manque pas d'aiguiller ses collègues qui lui confient parfois ne pas savoir comment aborder telle ou telle situation à l'école. Petit à petit, les enseignants sont de plus en plus nombreux à le suivre et à s'intéresser à son projet : « quand j'arrive dans une école et qu'un collègue me connaît, ça me permet de me mettre à jour dans mon contenu et ils sont contents d'avoir cet espace sans filtre où on parle des vrais sujets ».
Pour prolonger cette démarche, Mouhamadou a publié un livre à la rentrée, dans lequel il raconte des anecdotes scolaires et extra-scolaires. « Ce sont des choses qui me sont arrivées et j'essaie de faire en sorte que les lecteurs se mettent à ma place ». Il omet volontairement de décrire les résolutions de certaines situations problématiques, afin que le lecteur se questionne : comment aurait-il réagi dans cette situation ? Qu'aurait-il fait ? Selon lui, c'est aussi un bon moyen pour préparer les concours enseignants, puisque cette question est posée lors des oraux de recrutement.
Une école en manque d'enseignants
S'il avait l'habitude de faire des remplacements courts, à cause de la pénurie d'enseignants, Mouhamadou est appelé à remplacer ses collègues sur des périodes plus longues. Il lui arrive de devoir faire cours à une classe qui n'a pas eu de professeur depuis deux ou trois semaines. « Ce n'est pas du tout le même rapport que quand l'enseignant est absent une journée, quand il y a eu ce manque il faut remettre un cadre d'autorité et d'apprentissage en classe, c'est difficile », illustre-t-il.
Selon lui, il est urgent d'investir dans des moyens humains et matériels à l'école. Pour attirer davantage d'enseignants, il faut augmenter les salaires : « À bac+5 on est cadres de catégorie A mais les salaires ne s'alignent pas sur les autres de cette catégorie. Si un jeune a le choix entre être professeur ou ingénieur avec un salaire deux fois plus élevé, le choix est vite fait ».
Dans tous les cas, le plus important selon lui est de redonner à l'école son aspect public. « Quand un lieu est soumis à autant d'enjeux et qu'il a ses portes fermées, les gens qui sont dehors fantasment sur ce qui se passe, on a tout intérêt à ouvrir les portes de nos classes pour avoir des relations apaisées avec les familles », conclut-il.
Crédit photo : @Sylviedupic