« Comment se fait-il que nous n’ayons les photos que maintenant, et pas tout au long de l’année ? » Ma collègue reste immobile au portail, bouche bée, l’air hébété. Elle venait tout juste de m’annoncer qu’elle s’était couchée toute la semaine à pas d’heure, pour finaliser le livre- photos de l’année de maternelle qui s’achève. Quand ce père a débarqué avec cette question, comme ça, à 8h30 !
Le PC est encore chaud, le livre tout juste achevé, prêt à être commandé à prix coûtant par les familles, sans aucun bénéfice pour la coopérative scolaire de l’école ! Et la maîtresse qui court déjà après les bons de commande, vérifiant que « Livraison à l’école » est bien coché, afin d’éviter aux familles les frais de port.
Pas un merci !
Et là, pas un merci, pas l’ombre d’un « Bravo pour tout ce travail » ou un « Quel bonheur de voir nos enfants en activité, on croirait être une petite souris de l’école ». Non, rien de tout cela. Le livre-photo semble entrer dans la catégorie des initiatives bénévoles qui risquent doucement, mais sûrement, de se transformer en tradition. Au point que certains enseignants finissent par hésiter à le mettre en place, craignant de ne plus pouvoir s’y dérober. Comme le dimanche de kermesse, la soirée de loto, le spectacle de fin d’année ou le samedi matin travaux à l’école.
Alors, pourquoi ?
Et le film et les photos du spectacle de fin d’année copiés sur la clé USB du marmot ? C’est toujours la maison qui offre ! Enfin, plutôt l’ado de la maîtresse qui a passé sa soirée à filmer, réaliser le montage et sélectionner les meilleurs clichés. Alors, pourquoi continuons-nous à faire cela ? Pour les 9 mercis des 143 parents ? Ça compte pas, c’étaient les délégués des familles, comme d’hab...
Non, tout ça pour que nos élèves ne donnent pas leur spectacle devant un mur de smartphones, mais sous des yeux admiratifs – ceux de leurs parents – qui n’auront aucune excuse pour sortir leur portable et swiper sur les réseaux au moment crucial. Pour conserver ce moment magique où chaque adulte se convainc que c’est son loulou qui danse, chante ou donne le mieux la réplique ! Pour offrir aux enfants cette occasion unique d’alimenter leur estime de soi... et contribuer ainsi à leur épanouissement.
En fin de compte, même si ses efforts ne sont pas reconnus en retour, la maîtresse n’aura quand même pas perdu son temps...