Jean-Michel, peut-être ne savais-tu pas comment occuper ta Saint-Valentin, cette année. Alors, tu t’es décidé à proposer ta loi à l’Assemblée nationale, le 15 février, jour où 535 des 577 députés avaient tout autre chose à faire que de débattre de l’organisation future de notre école primaire. Ou bien as-tu surfé sur la vague d’amour de Cupidon pour voir 42 de tes collègues te prouver le leur en restant jusqu’au bout ? Si la législation ne semble pas exiger la présence d’un minimum de députés pour autoriser le vote, peut-être aurais-tu pu reporter ce vote pour qu'il soit validé ou invalidé par un nombre d’élus suffisamment représentatif de la population ?
Faire passer cette réforme par un amendement t’aura évité de nous consulter pour dévaliser nos écoles du peu de marge de manoeuvre qui leur restait. Le Sénat sera à convaincre du bien-fondé de tes intentions avec cette possible « association avec le collège du secteur de recrutement », mais résistera-t-il à ces promesses d’économies, toujours et encore ? Après le démantèlement des services de proximité comme la Poste, voici celui des écoles rurales. Devront-elles désormais passer par le collège pour toute transmission, décision, et les délais seront-ils du même acabit que les procédures des autres administrations ? (« Sans réponse négative de notre part dans les deux mois, vous pourrez considérer que votre demande a reçu une décision favorable. ») Ou bien le principal adjoint en charge du primaire fera-t-il une tournée quotidienne pour nous livrer ses réponses, tel le Gérard Klein de l’administration ? (« Voilà vos documents pour la sortie. Ici vos attestations ! ») Les enseignants et leurs directeurs géraient déjà parfois difficilement cette répartition des rôles sans supériorité hiérarchique de proximité, là, ce sera mieux ! Ah non ? Tout se passera par mail ? Déjà qu’on n’avait pas le temps de manger entre les corrections, les réunions et les entrevues de parents, ça favorisera notre régime !
Et la nôtre, de voix ? Et celle des directeurs ? De tous ceux qui se donnent corps et âme à ce métier plus impliquant que bien d’autres parce qu’en contact avec l’humain et tous ses paradoxes ? Une modification des conventions collectives sans consultation des salariés ni de leurs représentants : la loi, c’est toi, Jean-Michel, mais tu ne te l’appliques pas ! Et tu dis oeuvrer pour l’école de la confiance ?