Si, en 1990, le comité chargé de rectifier l’orthographe s’était contenté d’abolir les anomalies et incohérences les plus flagrantes de la langue française, s’il s’en était tenu à créer des régularités là où exceptions et cas particuliers règnent inutilement… sans doute la réforme aurait-elle été applaudie comme une simplification salutaire et serait aujourd’hui, en dépit des protestations de quelques nostalgiques de la dictée de Mérimée et de ses chaussetrappes, unanimement adoptée.
Ortho-grave
Malheureusement, certaines modifications moins légitimes, plus discutables comme la suppression de l’accent circonflexe sur le i et le u, ont hérissé à juste titre bon nombre de gens, et freiné le zèle qu’ils auraient mis, sans cela, à appliquer la réforme. L’orthographe ainsi rectifiée semble en effet faire fi de la dimension esthétique de la langue écrite, à laquelle participe, qu’on le veuille ou non, l’accent circonflexe. Le maître qui voit son accent tomber dans l’abîme (pardon, l’abime) ne perd-il pas du même coup un peu de sa majesté, de son autorité, de sa prestance ?
En outre, dès lors que les nouvelles règles génèrent, comme c’est le cas, de nouvelles et nombreuses exceptions, comment parler encore de simplification ?
La simplification ne sera en tout cas pas pour les professeurs des écoles qui devront désormais gérer et justifier la coexistence de deux orthographes : d’un côté celle des manuels scolaires qui appliquent les rectifications de 1990, de l’autre celle, toujours largement usitée, de tous les autres médias. Y compris certains documents ministériels comme le Socle commun de connaissances, ou même les nouveaux programmes où subsistent encore, ici et là, quelques maîtrises mal maitrisées ! Y compris aussi – et c’est bien là le problème – les livres et albums de jeunesse qui, en primaire, restent des supports privilégiés pour l’apprentissage de la langue.
Entre orthographe recommandée (moderne ? au rabais ?) et orthographe acceptée (traditionnelle ? élitiste ?), il va donc falloir désormais jongler. Jusqu’à ce que l’usage, tout naturellement, finisse par avoir le dernier mot…
EDITO de La Classe - Octobre 2016