Dans un rapport publié le 15 mars dernier, la Cour des comptes revient sur la scolarisation des élèves allophones, qui viennent de pays étrangers et dont le français n’est pas toujours la langue maternelle. Statistiques incomplètes, délais de prise en charge de ces élèves qui s’allongent : plusieurs problèmes sont relevés par la Cour des comptes.
Au Sénat, Rachel-Marie Pradeilles-Duval, qui représente la Dgesco, invite le MEN à « réinterroger la circulaire de 2012 » au sujet de l’accueil des EANA (élèves allophones nouvellement arrivés). Elle recommande notamment de « renforcer l’accompagnement adapté, en s’appuyant sur des personnels formés à l’apprentissage du français en langue scolaire et en sortant des dispositifs qui peuvent être réducteurs en termes d’accompagnement », notamment en classe de maternelle.
Une situation inquiétante
Dans son rapport, la Cour des comptes souligne que 23 % des EANA « n’ont pas été scolarisés antérieurement, ou très peu, dans leur pays d’origine », ce qui est synonyme de difficultés d’adaptation pour ces élèves. À ce jour, rien ne permet d’identifier exactement « le nombre de jeunes allophones n’ayant fait aucune démarche de demande de scolarisation ». Difficile d’adapter ses cours si l’on ne connaît pas bien sa classe.
Les délais d’affectation « se sont allongés, notamment dans les zones les plus concernées par les flux migratoires » jusqu’en 2020, ce qui signifie que des élèves ne sont pas scolarisés pendant un temps faute de place. Dans le secondaire, la Cour remarque qu’ « au bout de six mois, 9,3 % des EANA relevant du collège et 17,3 % de ceux qui devraient aller au lycée ne sont pas scolarisés ».
Pour les EANA de moins de six ans, « le ministère n’envisage pas pour le moment de dispositif spécifique, considérant que l’entrée dans la langue de l’école est une problématique commune à tous les élèves de maternelle », selon la Cour. Toutefois, il semble nécessaire de prendre en compte les spécificités des enfants qui sont habitués à parler une autre langue que le français.
Les professeurs ne se sentent pas en mesure d’enseigner à ces enfants, « 8 % des enseignants de notre pays se sentent « bien préparés » ou « très bien préparés » pour enseigner en milieu multiculturel ou plurilingue, contre 26 % en moyenne dans l’ensemble de l’OCDE », relève la Cour des comptes. Ce qui signifie que 92 % des enseignants sont désemparés face à cette possibilité.
L’inclusion au cœur des UPE2A
Selon la Cour des comptes, les UPE2A (Unité pédagogique pour élèves allophones arrivants) ont pour principal but d’assurer que les élèves soient inclus dans les classes ordinaires et qu’ils puissent s’adapter aux nouvelles modalités d’apprentissage. Pour ce faire, elles « organisent des liens avec la classe ordinaire et y prévoient des temps de présence, dans une logique de personnalisation des parcours ».
Lorsque les élèves quittent les UPE2A, ils sont souvent moins bien accompagnés par la suite, ce que regrette la Cour des comptes, car cela « contraste avec ce qui existe dans plusieurs autres pays ».
Les recommandations de la Cour des comptes
Elle recommande notamment de :
- Publier la statistique annuelle de scolarisation des élèves allophones en éliminant toute discordance entre les chiffres nationaux et académiques ;
- fixer un objectif de délai maximal pour l’accès à l’éducation d’un EANA et l’entrée dans le dispositif ;
- mettre en œuvre dans le primaire un soutien spécifique pour les EANA au-delà de la première ou des deux premières années de présence sur le territoire ;
- généraliser la certification français langue seconde (FLS) pour les enseignants en UPE2A et l’encourager pour les autres enseignants ;
- évaluer le niveau en français des EANA à la sortie des UPE2A ;
- lancer une étude de suivi de cohorte des EANA tout au long de leur scolarité ;
- mener une enquête concertée avec les autres départements ministériels concernés sur la situation des EANA de 16 à 18 ans au regard de l’obligation de formation ;
- procéder à une expertise de l’intérêt d’un dispositif de soutien linguistique pour les EANA arrivant en dernière année de maternelle, notamment en étendant le champ de l’enquête du ministère aux enfants de trois à six ans.
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