La moue désabusée de Najat Vallaud-Belkacem à l’annonce de la nomination de son successeur laisse peu de place au doute : Jean-Michel Blanquer est bien un homme de droite, en tout cas perçu comme tel même s’il n’appartient pas au sérail politique. Pour ses détracteurs, l’ancien DGESCO est en effet comptable de certaines mesures emblématiques de l’ère Sarkozy (la semaine de 4 jours, la suppression des IUFM ou la baisse des effectifs dans l’Éducation nationale) qui le disqualifient d’emblée. Au contraire, ses partisans voient en lui l’homme providentiel capable de mener une révolution tranquille et salutaire, en débarrassant l’école du « pédagogisme » source de tous les maux. Deux visions manichéennes qu’il convient évidemment de dépasser.
Le principal intéressé, lui, se réclame d’un certain « pragmatisme ». Rejetant toute idée de grande « réforme Blanquer », il se propose plutôt d’infléchir ou de corriger l’existant là où il le juge nécessaire. C’est ainsi que, dès sa prise de fonctions, le nouveau ministre a égrené toute une série de mesures dont certaines, applicables dès la rentrée, sont en rupture frontale avec l’héritage de ses prédécesseurs. Des mesures certes concrètes mais qui, ajoutées les unes aux autres, ne dégagent pas encore de véritable ligne directrice.
S’agissant par exemple de l’assouplissement des rythmes scolaires, cette décision très attendue reste difficilement lisible. Car de deux choses l’une : ou bien la réforme était bénéfique aux enfants et il fallait la poursuivre (en la consolidant), ou bien elle ne l’était pas et il fallait l’abroger. Sauf à admettre que les besoins des élèves soient différents d’une commune à l’autre…
Deuxième mesure phare pour l’école primaire : le dédoublement des classes de CP en REP +. Si l’objectif affiché (100 % de réussite au CP) est louable, il serait dommage (mais le ministre s’en défend) que cela se fasse au détriment du dispositif « Plus de maîtres que de classes », que d’aucuns s’accordent à considérer comme un des apports positifs du quinquennat précédent.
Une chose est sûre : quelles que soient les qualités – incontestables – et la volonté de réformer de Jean-Michel Blanquer, rien ne se fera sans les enseignants. Ce qui suppose que le nouveau ministre commence par prendre toute la mesure du désoeuvrement qui frappe actuellement la profession, et qu’il y apporte les bonnes réponses. Car c’est aussi (et d’abord) à sa capacité d’entraîner et de ressourcer les enseignants que le « pragmatisme » du nouveau locataire de la rue de Grenelle sera mesuré.
Edito de La Classe Maternelle et de La Classe - Septembre 2017