EDITO de La Classe d'avril
Si d’aventure un prof des écoles était amené à justifier de l’effectivité de son travail, il ne lui faudrait pas cinq minutes pour apporter toutes les preuves nécessaires. Dans son cas, nul besoin d’enquête,
d’avocats, d’auditions ni de procès-verbaux. Parents et élèves viendraient spontanément témoigner qu’ils l’ont vu souvent au labeur. Voulez-vous aussi des preuves matérielles ? Venez visiter sa classe, ses affichages, son emploi du temps, son cahier-journal, les photos qu’il a prises de ses activités, les cahiers de ses élèves, ses fiches de prép, ses évaluations… Pas encore convaincu ? Un petit tour dans l’historique de son ordi devrait vous persuader qu’une bonne partie de ses activités d’internaute sont consacrées à préparer ses séquences, à rechercher des idées, des documents pédagogiques pour illustrer ses leçons, à renseigner ses livrets numériques. Une adresse mél ? Bien sûr ! Sans doute y trouverez-vous des communications avec des parents, des collègues…
Heureux enseignants, dont les activités laissent tant de traces ! Tout le contraire de certains assistants parlementaires qui, paraît-il, travaillent avec un même acharnement mais sans jamais être vus, sans laisser derrière eux le moindre document ni le moindre souvenir qui pourraient attester de leur précieux dévouement. Des modèles de discrétion et de transparence, on vous dit !
Sérieusement, on voit mal comment le vainqueur de la primaire de la droite, soupçonné d’avoir utilisé les deniers publics pour rétribuer le travail virtuel de ses proches, pourrait un jour tenir le discours de père-la-rigueur face aux enseignants. Leur expliquer en fronçant les sourcils qu’il leur faut faire des efforts, se serrer la ceinture et travailler davantage pour participer à l’assainissement des finances du pays ! En plus d’être injuste, ce serait carrément indécent.
Pauvres enseignants qui, chaque jour, et pour un salaire modeste, œuvrent à transmettre à leurs élèves des valeurs positives, à leur inculquer le respect d’autrui, la générosité, les vertus du vivre ensemble, la justice, alors même que des responsables de premier plan, qui briguent les plus hautes fonctions, se comportent comme des voyous ! Quel modèle ces derniers offrent-ils à notre jeunesse ?
Celui d’une société du chacun-pour-soi et de l’argent roi, où les combines et petits arrangements entre amis sont hissés au rang de sport national. Et où toute morale est allègrement piétinée.