Enseignante dans une école de REP, Mandy vit sa profession comme un engagement au service de tous. Comment faire pour avancer malgré les difficultés, la violence et le manque de moyen. “Les réponses sont collectives”, semble nous répondre notre jeune collègue !
Pouvez-vous nous dresser le portrait de votre établissement ?
Bonjour, je suis prof des écoles à Toulouse dans un quartier qui a été construit “vite fait mal fait”, et où la population si elle était mixte à ses débuts ne l’est désormais plus. Nous avons tous les critères pour être classés Rep. Mais nous ne le sommes pas : ça coûte trop cher. En attendant mieux, on fait avec les moyens du bord. Heureusement, nous avons une équipe au top, avec des enseignants plus qu’investis, qui donnent chaque jour leur temps, leurs conseils, leurs solutions pour faire avancer le schmilblick et faire tourner l’école.
Vous enseignez en CE1...
Oui, c'est un niveau que j’affectionne particulièrement. Chaque année amène son lot d’élèves « non lecteurs ». Et ils sont de plus en plus nombreux. La question est toujours la même : combien n’auront pas le niveau ? Je ferai comme d’habitude avec les moyens du bord, des groupes, des sous-groupes, des ateliers et on travaillera ! Et on progressera !
Les conditions de travail ont l'air malheureusement compliquées... Pouvez-vous me dire un mot sur vos locaux ? Et sur votre équipe ?
Nous sommes dans une école neuve (après environ 3 ans passés dans des algécos). C’est vraiment chouette de travailler dans une école propre, neuve et avec du bon matériel. Nous avons des TNI et des ateliers attenants pour chaque classe. Les points négatifs : la cour est minuscule et toute bétonnée. Ainsi, nous devons faire 2 récréations pour ne pas avoir tous les élèves en même temps. Les classes sont assez petites : 55 m2 en gros pour accueillir parfois jusqu’à 28 élèves. Ensuite, la mairie a construit une école avec 8 classes d’élémentaire alors que nous sommes dans un quartier en construction avec des livraisons d’appartements régulières. Nous sommes déjà au complet et très régulièrement surchargés. Ils veulent passer les CP et CE1 à 24, c’est très difficile. Et le passage hypothétique en REP alors même que nous sommes rattachés à un collège REP semble complètement impossible. Que ferions-nous de tous nos élèves...? Les effectifs REP seraient impossibles à atteindre dans notre école sans ouverture de classe mais nous n’avons pas la place d’ouvrir.
Quel casse-tête !!! Et au niveau de l'équipe ? Est-elle stable ?
Pour ce qui est de l’équipe, tous les enseignants de l’école sont top. Chacun a sa façon de travailler mais nous avons créé une dynamique commune. L’avantage d’être dans une école neuve, c’est qu’il a fallu s’inventer, donner une image à notre école. Nous avons tout créé ensemble : le projet d’école, les progressions, les projets de cycles, de classe. Tous les supports sur lesquels on travaille sont les nôtres ! Et ça c’est vraiment génial. Nous ne sommes pas toujours d’accord sur tout mais tout est discuté et chacun a son mot à dire. Les décisions sont prises ensemble. Les élèves sont très compliqués dans notre école. Nous avons deux à trois élèves très durs (crises, coups, violence) par classe à gérer. Les situations de crises sont, à certaines périodes de l’année, notre quotidien. Et nous faisons front ensemble. Nous organisons des répartitions pour certains élèves qui naviguent entre 2 classes pour soulager la classe d’accueil et permettre à l’élève de souffler ailleurs. Nous recevons les élèves à plusieurs enseignants pour rappeler les règles, trouver des solutions. Parfois, nous mettons des contrats de comportement en place et nous sommes tuteurs d’élèves des autres classes. Nous avons vraiment une logique d’équipe dans notre gestion de l’école. Heureusement l’équipe est stable. Nous sommes presque tous là depuis l’ouverture de l’école. Et nous passons beaucoup beaucoup de temps ensemble. Presque tout le monde arrive en avance et mange à l’école entre midi et deux. Le goûter de fin de journée où nous évacuons la pression est un rituel dont nous ne nous passons pas !
Vous évoquez la "classe d'accueil". De quoi s'agit-il ?
Lorsqu’un enfant « craque » trop souvent dans sa classe, on lui aménage un planning particulier. Il va alors être accueilli dans sa propre classe la plupart du temps et sur certains moments dans une autre classe. Cela peut être n’importe quelle classe : la décision se fait entre nous, suivant le profil de l’élève (certains profils cadrent mieux avec certaines personnalités), le niveau (parfois on va chercher la même classe d’âge, au contraire parfois il faut enlever les « spectateurs » pour que l’enfant s’apaise et on le mettra avec des plus grands ou des plus petits), et puis en fonction des difficultés propres à chaque classe (si certaines classes ont du mal à fonctionner on ne rajoute pas de difficultés). Et enfin l’enseignant qui accueille doit être volontaire. Les temps d’accueil dépendent aussi de l’élève en question. Pour certains, ça va être les moments de transition, par exemple : il fera la rentrée de récré dans sa classe d’accueil puis quand tous les élèves de sa classe sont au travail il pourra les rejoindre. Ça peut être juste 15 minutes. Parfois, ce sont certaines séances qui posent problème comme le sport : il sera accueilli dans la classe d’accueil pour faire le sport. Et si ça craque trop, ça peut être toutes les fins de journée par exemple. Bien sûr, c’est uniquement pour une période donnée et on essaie toujours de revenir à la normale même si des fois il faut plusieurs essais ! Et bien sûr très peu d’élèves sont concernés. C’est vraiment une aide qu’on essaie de leur apporter.