L'inspecteur Lafouine est de retour dans de nouvelles enquêtes environnementales ! Pour l'occasion, nous avons posé quelques questions à son créateur, Christian Souchard. L'occasion d'en apprendre un peu plus sur la naissance d'un personnage policier très populaire dans les écoles...
L’inspecteur Lafouine a une belle longévité ! Comment est-il né ?...
Avant de répondre, je voudrais retracer la naissance des enquêtes de l’inspecteur Lafouine.
En 2000, enseignant dans une classe de CM du Maine-et-Loire, j’ai proposé en lecture deux petites enquêtes policières de Michel Amelin (enseignant également en Maine-et-Loire et auteur de plusieurs livres pour la jeunesse ou pour adultes).
Mes élèves ont beaucoup aimé ce travail et m’ont demandé d’autres textes. N’ayant plus rien à proposer, j’ai décidé de me lancer en écrivant et en créant le personnage de l’inspecteur Lafouine. Pourquoi Lafouine ? Tout simplement parce que ce policier doit « fouiner » pour résoudre ses enquêtes.
Le premier texte m’a demandé plusieurs jours d’écriture puis petit à petit, j’ai appliqué une méthodologie qui m’a permis d’écrire une soixantaine de texte pendant l’année scolaire.
J’ai proposé ces textes à des amis enseignants qui m’ont convaincu d’essayer de les faire publier. J’ai proposé à plusieurs éditeurs et j’ai finalement signé un contrat aux Editions Buissonnières. La personnalité de Georges Boulestreau a été déterminante pour ce choix.
Au départ, je pensais seulement fournir mes textes mais, Georges Boulestreau m’a demandé d’accompagner les enquêtes de fiches pédagogiques, ce qui évidemment était plus judicieux.
Le premier fichier est sorti en 2003. Le succès étant au rendez-vous, Les Editions Buissonnières m’ont demandé s’il était possible de faire un second fichier. N’ayant pas le temps matériel de faire le même travail que pour le premier, j’ai proposé seulement les textes qui me restaient. C’est pourquoi, en 2004, le second fichier ne contient que des textes sans fiches pédagogiques.
Je pensais « l’aventure » Lafouine terminée. Mais en 2005, j’ai décidé de quitter mon école pour prendre un poste de remplaçant sur le Maine-et-Loire. J’ai travaillé pendant cinq mois dans une petite école de campagne où j’avais en charge une classe de CP/CE1. C’est là que j’ai décidé d’écrire des enquêtes plus simples pour de jeunes lecteurs.
J’ai proposé l’idée à Georges Boulestreau qui a tout de suite accepté (il s’apprêtait à me faire la même proposition). Le troisième fichier est sorti en 2006. C’est actuellement, l’un des fichiers les plus lu.
Après deux années de remplacement, j’ai pris la direction d’une école dans un quartier défavorisé d’Angers. J’ai rapidement été confronté aux difficultés scolaires de mes élèves en lecture mais aussi (ce qui est normal) en expression écrite. Pour les aider, j’ai conçu ce qui allait devenir le quatrième fichier de Lafouine. Un document où il ne faut pas simplement trouver les coupables, mais aussi écrire le rapport d’enquête.
Comme après chaque fichier, j’étais persuadé d’en avoir finir avec Lafouine lorsque j’ai fait la connaissance d’un jeune collègue ayant des aptitudes en dessin : M. Yoann Leissler. C’était un enseignant qui prenait ma classe pendant mon temps de décharge de direction.
Nous avons eu l’idée de faire des enquêtes policières sous la forme d’une BD. Le projet a été proposé aux Editions Buissonnières. Georges Boulestreau a été séduit par notre travail et nous avons sorti deux BD. Ces albums sont peu présents dans le circuit des libraires qui n’a pas les mêmes diffuseurs que l’édition scolaire. Malgré cela, plusieurs milliers ont été vendus.
Je voulais définitivement arrêter l’écriture des enquêtes lorsque Sylvie, des Editions Buissonnières, m’a proposé de faire un nouveau fichier orienté sur des textes environnementaux. J’ai été un peu réticent au début : il faut arriver à trouver encore de l’inspiration, et ces sujets rendent les enquêtes plus complexes à rédiger… Mais en travaillant sur des sujets environnementaux réels, nous avons trouvé matière à réaliser deux fichiers intéressants, un pour les CM et un pour les CP-CE. Ce qui m’a également motivé à nouveau, était de traiter autre chose que des simples crimes ou délits. Il y avait un nouvel objectif pédagogique : sensibiliser aux problèmes environnementaux.
Savez-vous ce qui fait le succès de ce personnage ?
Je pense que le succès de Lafouine vient du fait qu’en général les enquêtes policières intéressent petits et grands. Il suffit de voir le nombre de livres ou de séries télévisées qui abordent ce sujet. De plus, il y a un côté ludique. Les enfants aiment se substituer à un héros. Ici, ils deviennent de petits détectives. La lecture devient un jeu et non plus quelque chose de rébarbatif. Les enseignants y trouvent aussi plus qu’un médium agréable pour faire lire leurs élèves : la démarche de recherche d’indices dans le texte et de mise en cohérence d’éléments d’information est celle que l’on met progressivement en marche quand on apprend à devenir de bons lecteurs. J’ai reçu de nombreux mails d’enseignants me disant qu’avec les textes de Lafouine, ils avaient permis à leurs élèves de prendre goût à la lecture. J’ai aussi reçu des messages d’enseignants étrangers qui utilisent les textes simples pour enseigner le français dans leur classe. Pour l’anecdote, même des enseignants de français en collège ou lycée disent utiliser Lafouine, leurs élèves adorant décrypter ce type de texte, et résoudre les enquêtes.
Ce 6e tome est conçu pour les CP-CE. Comment avez-vous différencié le niveau des fiches ?
Après l’écriture du 5e tome, Sylvie m’a demandé de faire un 6e tome pour les CP/CE. Nous avons pris les mêmes thèmes que pour les CM. Les textes sont différents, plus courts avec un vocabulaire plus simple. Il y a moins de suspects (en général trois). Pour les fiches, les élèves retrouvent souvent les mêmes exercices : vrai/faux, compléter une phrase en s’aidant du texte, trouver le nom des suspects d’après une caractéristique notée dans le texte. En progressant dans le fichier, on aborde des choses plus difficiles comme la réponse à des questions, la recherche d’intrus ou de synonymes. En fin de questionnaire, on demande de donner le nom du coupable et d’expliquer pourquoi on choisit cette personne. Il est évident que pour certains élèves (sinon tous ?) il faudra plusieurs fiches pour arriver à un résultat positif. Afin de permettre de rentrer progressivement dans la résolution d’enquêtes, le fichier est divisé en quatre séries de fiches : A, B, C, D. La série A est plus simple que la B et ainsi de suite.
Les enquêtes sont inspirées de situations réelles. C’est aussi une manière d’amener à débattre en classe ?
Le but des enquêtes est de montrer un problème particulier lié à l’environnement. Notre démarche est de faire connaître ce problème aux enfants (et parfois aussi aux enseignants). Les personnages des enquêtes (victimes, suspects), expriment souvent des points de vue différents. C’est une bonne base pour permettre le dialogue et l’expression des avis des enfants. Ces sujets, ils en ont parfois entendu parler, mais avec un seul son de cloche, celui de leurs parents ou de la télévision. Par ailleurs, les programmes ont introduit depuis quelques années des questionnements sur ce qu’est un « développement durable ». L’enquête et son questionnaire ne suffisent pas toujours à donner assez d’éléments de compréhension car ces sujets sont aussi complexes. Il a paru judicieux d’ajouter un petit texte documentaire. L’enseignant peut ainsi poursuivre le thème avec sa classe. Il peut lire le texte et en débattre avec les élèves. Il peut aussi photocopier le texte et le donner à sa classe en lecture documentaire ou en découverte du monde. Notre rôle est d’informer sur un problème. Nous avons essayé d’être à la fois très explicite et concret, et le plus impartial possible.
Les élèves ont parfois des codes à déchiffrer. Pouvez-vous nous expliquer ce choix pédagogique ?
Dans ma carrière d’enseignant, je me suis aperçu que les codes intéressaient toujours les élèves. Pouvoir dire une chose sans être compris de tous est magique aux yeux des enfants. Souvent lorsque je faisais des enquêtes avec un code, mes élèves se mettaient à inventer des codes pour s’envoyer de petits messages !
Le choix pédagogique est simple : obliger les élèves à réfléchir, expérimenter, se tromper, recommencer… C’est presque de l’ordre de la démarche scientifique. Je pense à une solution, je la mets en pratique, je vois si cela fonctionne ou non.
Il y a des codes variés. Remplacer une lettre par un chiffre, écrire à l’envers, ajouter une lettre avant et après chaque mot, ne prendre que la première lettre de chaque mot pour former une phrase…
Dans le tome 5 de Lafouine pour les CM, les codes sont plus complexes comme lire une phrase sur deux, lire un mot sur quatre, lire seulement le premier mot de chaque phrase…
Les enquêtes environnementales de l'inspecteur Lafouine, Tome 6, cycle 2
35 € aux Editions Buissonnières