On choisit rarement ses 1ères mutations, et c’est donc complètement par hasard – et même à contre-cœur- que Anne a débuté sa carrière en maternelle il y a de cela 15 ans. Une affectation non choisie, qui a finalement joué le rôle de révélateur. « Finalement, je ne me vois pas quitter la maternelle… », nous confie-t-elle. Le renouvellement de de sa pratique par une approche plus respectueuse du rythme des enfants a donné un nouveau souffle à sa vie professionnelle.
Quand vous dites que vous avez enseigné de manière traditionnelle pendant plus de 10 ans, comment définiriez-vous cet enseignement "traditionnel" ?
J'ai enseigné pendant plus de 10 ans en travaillant avec des ateliers tournants. Je préparais mes ateliers et les groupes définis par moi tournaient dans la matinée ou la journée. Je n'avais jamais eu d'autre modèle que celui-ci lors de mes stages ou à l'IUFM (l’ancien ESPE) donc je ne savais même pas qu'il pouvait exister d'autres façons de faire classe en maternelle.
Cette façon d'enseigner est relativement rassurante pour un jeune débutant car le PE gère tout (quel groupe débute, groupe hétérogène ou homogène...). Le souci est que ce système ne permet pas réellement de s'adapter aux élèves. Je dirais même que ce sont les élèves qui doivent s'adapter à l'école. Au bout de quelques années, je me suis rendue compte de cette limite qui me pose vraiment problème maintenant...
Depuis 3 ans, vous vous inspirez de pédagogies alternatives. D'où est venu ce changement de cap ?
Je suis devenue maman et j'ai beaucoup lu sur l'éducation bienveillante, les Violences Educatives Ordinaires, le respect des enfants et de leurs rythmes... Ma vie de maman avait évolué, ma vie d'enseignante devait suivre le même chemin. En découvrant les travaux de Céline Alvarez et Maria Montessori, j'ai découvert qu'une autre manière de faire classe est possible. D’ailleurs, c'est une inspiration plus qu’un modèle figé. Dans ma classe, je travaille principalement en ateliers autonomes mais j’enseigne également en ateliers ou groupe-classe si cela est pédagogiquement plus judicieux. Depuis ce profond changement (de pédagogie, de posture, de lâcher prise), j'ai redécouvert mon métier à un moment où, je pense, j'avais besoin d'un autre souffle...
Les principaux changements qui se sont opérés sont : une classe plus calme, un respect réel du rythme d'apprentissage de chacun (chaque enfant avance à son propre rythme), une coopération entre les enfants, une motivation plus forte pour grandir et faire seul, et un plaisir évident d'être en classe. Ce fut pour moi un bouleversement de modifier ma pratique après tant d'années mais je ne reviendrais pour rien en arrière.
Par ailleurs, vous êtes directrice depuis 14 ans. Comment vivez-vous cette fonction supplémentaire ?
Je suis devenue directrice en T2, à 25 ans, et je le vis plutôt bien ! La 1ère année a été un véritable défi pour moi. J'ai eu la chance d'être bien accompagnée par des collègues bienveillantes. Je trouve ce poste tellement formateur. J'ai appris en quelques années de direction bien plus que si j'étais restée "juste" enseignante. Le métier a énormément évolué depuis le temps, les demandes sont de plus en plus nombreuses de la part de notre hiérarchie et des parents mais cela reste un vrai plaisir d'assumer ses fonctions. Je suis déchargée 1 jour par semaine donc cela me laisse le temps de faire mon travail de directrice.
Je suis une enseignante et une directrice heureuse, fière de son métier et de ce qu'il m'apporte. J'aime le contact avec les enfants et les parents, j'aime l'idée de toujours devoir chercher à améliorer ses pratiques. J'aime profondément ce que je fais.
Une collègue à suivre sur Instagram : Ann.l.c
[1] Violences Educatives Ordinaires