Table of Contents Table of Contents
Previous Page  10 / 124 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 10 / 124 Next Page
Page Background

10

• LA CLASSE • N° 316 • 02/2021

HUMEURS

Professeur d’école

en Normandie, Sylvain

Grandserre est l’auteur

de plusieurs livres, dont

un qui a reçu le prix

Louis-Cros de l’Académie

des Sciences morales

et politiques.

Il a également participé

à plus de 300 émissions

radiotélévisées, où il a

défendu avec panache

l’image de la profession.

Pour

La Classe

, il a

accepté de tenir ce carnet

mensuel, où il témoigne

de son quotidien d’instit

et nous fait part de

ses réflexions toujours

pertinentes sur le métier.

LES CARNETS

DE MAÎTRE

GRANDSERRE

par Sylvain Grandserre

LE RÊVE DE MARCEL…

Marcel Diaz est mort cet automne à 100 ans. Quand il était

enfant, ce natif de Marseillan, près de Sète, inconnu de la

plupart des enseignants, se trouva au cœur d’une affaire qui,

pourtant, bouleversa l’histoire de la pédagogie, en France

et au-delà.

Quand la petite histoire

rencontre la grande…

Marcel est né en 1920,

dernier d’une famille de huit

enfants. Venus d’Espagne,

ses parents espéraient trouver

du travail dans l’Hérault. Au

début des années 30, Marcel

part à Vence aider ses frères

à tenir un magasin de fruits

et légumes. Rapidement,

des liens se nouent avec un

instituteur végétarien, fraîche-

ment arrivé de Bar-sur-Loup :

Célestin Freinet. Ce maître

atypique et chaleureux propose à Marcel de venir étudier

dans sa classe à Saint-Paul-de-Vence, ce qu’il fait, non sans

goûter régulièrement aux joies de l’école buissonnière 

(1)

!

Un rêve qui vire au cauchemar !

Là, Marcel découvre l’approche innovante du maître, mais

aussi les attaques dont il est victime. Et c’est ainsi qu’en

mars 1932, Marcel écrit

Mon rêve

, un texte libre qu’il lit

ensuite devant ses camarades. Il s’agit du rêve étrange d’un

enfant dont la classe se révolte car le maire refuse de donner

les fournitures scolaires. Blessé par un coup de couteau du

maire, l’enfant sort le sien et le tue. Le maître le remplace

tandis que l’enfant reçoit de l’argent en sortant de l’hôpital 

(2)

.

Après les rires et les exclamations, le texte de Marcel est élu

à l’unanimité puis imprimé par les enfants. Or, quelques mois

plus tard, en décembre 1932, l’extrême-droite nationale et

les conservateurs locaux vont s’emparer de cette publication

pour engager une virulente campagne contre Freinet. Après

des mois d’affrontements parfois violents, Freinet refuse son

1. Clin d’œil à

L’école buissonnière

, film de 1949 de Jean-Paul

Le Chanois consacré aux débuts de Freinet.

2. Une fin qui rappelle celle de la chanson de Boris Vian,

La java des

bombes atomiques

.

Marcel Diaz

© Hervé Moullé - www.ecolebizu.org