Pour ce portrait mensuel, nous partons eu Auvergne, à la rencontre de Lucie. Enseignante dans une toute petite école de campagne (2 classes, 30 élèves en tout), elle nous raconte son quotidien, et celui de son établissement.
Pouvez-vous dresser le tableau de votre école ?
Je suis dans l'académie de Clermont-Ferrand. Mon école est familiale et avec des petits effectifs, ce qui nous permet de prendre soin de chacun et de suivre ses difficultés. Il y a peu de redoublement. Au printemps, malgré la pandémie, chaque enfant dont les parents le souhaitait a pu être accueilli tous les jours. Revers de la médaille : le risque de fermeture car ce n'est pas rentable ! La problématique pour nous est donc de toujours trouver des élèves afin de maintenir les 2 classes ouvertes Au niveau des classes, nous avons réparti en une classe maternelle CP et l'autre CE1-CE2-CM1-CM2. Les élèves se retrouvent ensuite au collège de secteur. Globalement ils ont de très bons résultats.
Effectivement, la médaille a son revers... Est-ce que vous avez un sentiment d'abandon en termes de service public ? Ou au contraire, trouvez-vous que l'éducation nationale répond bien aux besoins de votre secteur ?
Notre secteur est rural. Donc l'IEN a bien conscience de la réalité du terrain. Mais on sent que la politique nationale est de fermer les petites structures, même au détriment des choses qui marchent, et des élèves. Car évidemment, ils sont dans les meilleures conditions pour réussir : pas de violence, pas de harcèlement...
Est-ce que l'écart entre leur petite structure et le collège de secteur (forcément plus grand) ne leur fait pas peur ?
Le collège de secteur est petit également : il possède 4 classes (une par niveau), avec 70 élèves en tout. Alors la transition est facile ! Mais ceux qui n'y vont pas se font plutôt bien à leur établissement. Grandir dans un climat de sécurité propice aux apprentissages et à la confiance en soi est une bonne base pour affronter la vie ! Effectivement, c'est un petit collège ! Le tableau semble presque idyllique.
Y a-t-il tout de même des limites à ce fonctionnement ? Quand des élèves ne s'entendent pas bien par exemple et qu'ils doivent malgré tout "faire avec" ?
Dans de petites classes multi niveau, on a des élèves qui sont parfois seuls dans leur niveau. C’est donc parfois difficile pour le travail en groupe, et ils doivent supporter l'enseignant pendant 4 ans ! Autre inconvénient : la structure étant petite et les enseignants facilement abordables, certains parents ont tendance à vouloir tout gérer et trop entrer dans la classe. Cela dit je ne pense pas que ce soit réservé aux petites écoles
Est-ce que vous arrivez à vous organiser pour apporter ce qu'il faut à chaque élève ?
Tout à fait, le multi niveau, c'est avant tout une bonne organisation. Il faut jongler entre le travail en autonomie à lancer pendant que d'autres sont en découverte/recherche et d'autres en remédiation. Au bout de 15 ans en classe de CE1-CE2-CM1-CM2, je ne changerais pour rien au monde ! Et oui, globalement ils ont des bonnes habitudes et une bonne autonomie, une fois arrivés en 6ème ! Après cela sous entend aussi que des notions seront communes aux 4 niveaux (matières de découverte par exemple), donc il faut "remanier" les programmes et ne pas avoir le même niveau d'exigence pour tous. Mais au bout du bout, même si on a moins poussé certaines notions, je ne suis pas sûre qu'ils en aient moins retenu que dans une classe à niveau unique. Et pour répondre à votre dernière question (désolée je m'égare un peu), le fait d'avoir un petit effectif et de bien connaître les enfants puisque je les suis pendant 4 ans permet de cibler les difficultés et de ne pas les laisser s'installer. On ne fait pas de miracle, bien évidemment mais on n'a pas d'enfants perdus, totalement submergés.
Et vous avez une relation ultra privilégiée avec les élèves...
C'est ça ! C'est plus qu'un pincement au cœur quand les CM2 quittent la classe. Et ils me le rendent bien ! Dans les points négatifs, il y a aussi le fait que l'équipe est très réduite et que s'il y a des tensions, ça peut vite être compliqué. Mais d'un autre côté, si tout va bien les réunions de concertation sont rapides et on a davantage de liberté.