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• LA CLASSE MATERNELLE • N° 292 • 10/2020
HUMEURS
CHRONIQUE D’ÉCOLE
par Christophe Baudot, ISFEC l’Oratoire
Avez-vous remarqué l’attitude
de nos élèves de maternelle
lorsqu’ils sont en activités
libres ? Faites l’expérience de
vous asseoir dans un coin de
la classe et de les observer, un
par un. D’observer en particu-
lier leur regard.
Vous remarquerez qu’ils jettent
régulièrement un regard furtif
sur leur enseignant ou sur leur
atsem. Ils jouent, ils dessinent,
ils font des puzzles, et leurs
yeux cherchent régulièrement
l’adulte.
Ce regard ne dure que l’espace
d’un instant, mais se répète
très souvent. Presque tous les
enfants le font.
Comment analyser
ces regards ?
Que signifient-ils ?
- Ils nous éclairent sur l’impor-
tance du non-verbal, sur la
prééminence de ces attitudes
et gestes qui en disent bien
plus que les mots. Le langage
est d’abord celui du corps :
nous nous fions à ce que
nous voyons et ressentons,
bien davantage qu’à ce que
nous entendons. Et cela n’est
pas le simple apanage de la
maternelle.
- Plusieurs explications à
ces regards sont possibles.
Je retiens, surtout en début
d’année, le besoin de sécurité.
En regardant ma maîtresse,
j’ai besoin de savoir si elle
est là. J’ai besoin de sentir sa
présence rassurante, le cadre
qu’elle inspire. Mais j’ai égale-
ment besoin de savoir si ce
que je fais dans mes jeux est
autorisé, possible, si je respecte
les règles.
Lorsque je vais visiter
des classes,
je peux à loisir
observer ces regards, et celui
des adultes pendant ces temps
d’activités libres. Je vois alors
deux sortes d’enseignantes :
- celles qui sont affairées
à préparer les activités, à
s’occuper d’un groupe, à gérer
le quotidien ;
- celles, généralement assises,
qui ont pris du recul et
observent les enfants, ou qui
vont de groupe en groupe pour
s’intéresser à ce qui s’y passe.
Dans le premier cas, le regard
est à sens unique. L’enfant
jette parfois un œil rapide à
sa maîtresse, mais l’inverse se
produit plus rarement.
Dans le deuxième cas, c’est
un échange qui se produit.
Même si le regard est furtif,
l’enfant sait que sa maîtresse
l’a regardé. Il existe, il est
reconnu.
Cela a toujours interpellé
ma pratique de classe.
Je me suis rendu compte de
l’importance de rendre ce
regard, de prendre le temps de
regarder chacun. J’ai compris
que cela était fondateur.
◗
Juste un regard
© C. Baudot