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• LA CLASSE • N° 331 • 09/2022

HUMEURS

LES CARNETS DE MAÎTRE GRANDSERRE

par Sylvain Grandserre

A

vez-vous déjà essayé

de vous asseoir sur un

tabouret à deux pieds ?

Pas évident, hein ? C’est

pourtant dans cette posture

inconfortable qu’on cherche le

plus souvent à trouver l’équi-

libre entre famille et école

pour organiser l’éducation des

enfants, comme si tout devait

se jouer dans cette acrobatie

risquée. Le ministère lui-même

parle régulièrement de coédu-

cation, laissant à son tour un

angle mort dans sa vision de

l’enfance.

Car un enfant n’est pas que

celui de ses parents. Il n’est pas

non plus que l’élève du profes-

seur. Il est aussi celui qui vit

et agit en dehors de ces deux

institutions que sont sa famille

et son école.

Partout, tout le temps, l’enfant

se construit en vivant les mille

situations auxquelles il est

confronté : dans son quartier

ou sa campagne, dans le

sport ou les arts, dans son

club ou sa bande, dans chaque

interaction qu’il est amené à

assurer face à ses pairs ou des

adultes, des intimes comme

des inconnus. Constamment,

l’enfant s’éduque, s’apprend

lui-même grâce aux autres.

On ne parle pas ici que de

savoirs, mais aussi d’aptitudes,

d’habiletés, de comporte-

ments, de savoir-être qui

se développent de manière

structurée (le cours de danse,

l’entraînement de basket) ou

totalement informelle (un chat

sur internet, la bande à l’arrêt

de bus).

La ville à hauteur d’enfant

Comme le rappelle le

pédagogue Philippe Meirieu,

nous aurions tort de considérer

l’enfant comme composé de

tranches napolitaines

indépen-

dantes, sans

interactions entre

elles. Ces univers

que sont l’école,

la famille et les

tiers-lieux doivent

pouvoir dialoguer,

tout en préser-

vant des espaces

secrets. Souvent

oubliée, la ville a son

rôle à jouer en offrant

espaces et structures,

moyens humains

et matériels pour

que soit intégrée

l’enfance dans

sa politique : des

lieux de création, d’expression,

d’échanges, de rencontres,

d’expérimentation, de respon-

sabilisation (jardinage,

bricolage, projets intergéné-

rationnels, soirées communes).

Voilà qui semble d’autant plus

important que nous voici à une

époque où bien des familles

sont monoparentales, éclatées

ou repliées. On entend souvent

citer le beau proverbe africain

« Il faut tout un village pour

élever un

e n f a n t »

.

P o u r t a n t ,

dan s une

société indivi-

d u a l i s t e e t

morcelée, clivante

et clivée, mettre en

œuvre pareil projet

collectif serait assuré-

ment révolutionnaire.

@GrandserreSylv1

© Ground picture-Shutterstock

Jamais deux sans trois !